Signature électronique : impact au contentieux de la certification de la solution mise en œuvre

Date : Publié par

Les arrêts rendus début septembre 2020 par les Cours d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 3ième Ch., 4 septembre 2020, RG n°19/01990) et de Lyon (CA Lyon, 6ième Ch., 3 septembre 2020, RG n°19/06466) accordent une place importante à la certification des solutions de signature mises en oeuvre. Mais encore faut‑il comprendre la portée de ces certifications et leur impact réel sur la fiabilité de la signature électronique.

 

Le point commun de ces deux arrêts est de mettre en avant la "certification" de la solution de signature pour accepter - ou refuser - de reconnaître une valeur au document signé électroniquement. Mais la façon dont la "certification" est comprise par les juges invite à une réflexion sur la portée exacte de ce mot magique.

En effet, la création d’une signature électronique à distance est une opération technique « invisible » pour l’utilisateur mais qui fait intervenir plusieurs domaines techniques complexes ( Livre blanc « Signature à distance – Etat des lieux et bonnes pratiques » - 2020 – Edité par le Club PSCO et l’AFAI) :

- Délivrance des certificats ;

- Protection des clés privées de signature ;

- Format et standard de la signature ;

- Création de signature ;

- Audit des prestataires.

 Pour chacun de ces domaines, plusieurs niveaux de garantie sont définis, qui ont une terminologie différente et se mesurent à l’aune de normes et standards différents. Ainsi que le remarquent très justement les auteurs du livre blanc sur la signature à distance édité par le Club PSCO et l’AFAI, cette diversité « génère bien souvent des confusions sur la garantie globale offerte par la signature à distance ».

Ainsi, à titre d’exemple, les signatures dites « simples » sont le plus souvent générées via le cryptage du document à signer par un cachet personne morale ou un cachet d’horodatage, l’ensemble de la solution étant présentée par les fournisseurs comme irréprochable du fait que les cachets en question sont au niveau qualifié eIDAS. Mais à part assurer l’intégrité du document signé, que valent ces procédés en tant que signature électronique d’une personne physique ? Prouvent‑ils l’identité du signataire ? Assurent‑ils un lien entre le signataire et l’acte ? Oui, peut‑être, mais encore faut‑il que ce soit démontré, sans s’arrêter à l’apparente légitimité d’une « certification » qui n’a qu’un lointain rapport avec la fiabilité réelle du processus de signature pris dans son ensemble.

Il faut en conclusion se réjouir que les magistrats commencent à accorder de l’importance à la certification des processus de signature électronique qui leur sont soumis, car l’objectif même de la certification est d’apporter de la confiance. Mais encore faut‑il rester vigilant sur l’objet de cette certification, qui n’est pas nécessairement un gage de fiabilité du processus de signature électronique mis en œuvre.

À lire également

La signature scannée est une pratique douteuse

Date : Publié par
La Cour de Cassation a rendu le 13 mars 2024 (Chambre commerciale, 22-16.487) un arrêt très intéressant sur les limites du recours à la signature scannée pour attester de l'identité et du consentement de son auteur.

Signature électronique : et si on parlait du « lien » ?

Date : Publié par
En droit français, la définition de la signature électronique (Art. 1367 Al.2 Code civil) suppose un « lien » entre l’acte et la signature identifiant son auteur. Cette notion de lien se retrouve dans la définition de la signature avancée figurant au Règlement européen eIDAS (Art. 26) qui dispose que la signature avancée doit être « liée au signataire de manière univoque ». Mais la signification de ce lien n’est pas évidente. Nous pensons qu’il peut être compris selon trois approches : une approche conceptuelle qui projette sur la signature électronique une caractéristique de la signature manuscrite ; une approche technique le définissant via la technologie de la signature électronique ; et enfin une approche opportuniste liée au développement du certificat à la volée et de la notion de fichier de preuve, largement adoptée par les juges français.

Signature électronique : les juges se rebiffent

Date : Publié par
Sur la période de fin mars à mi-avril 2025, les Cours d’appel ont rendu une quinzaine de décisions sur la signature électronique. Près de la moitié d’entre elles refusent de reconnaître la signature du contrat par voie électronique, ce qui est un ratio exceptionnellement élevé par rapport à ce que l’on avait coutume de voir. Nous avons analysé ces décisions négatives.